Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Des humeurs et des jours

Anachroniques contemporaines

Nimby or not Nimby ?

Nimby or not Nimby ?

Gare de Pau : une jeune femme à la démarche tonique houspille son compagnon qui traine sa nonchalance et deux valises.

« Allez, allez, on y go ! clame-t-elle d’une voix suffisamment forte pour que tous ceux qui sont là se retournent.

‑ Cool, cool, lui répond l’autre, je suis dans le rush, tu veux pas que je me scratche avec tes valoches pourries, tu es trop hyper-speed comme nana… »

Néanmoins, il hâte le pas et traverse en boudant le hall de la gare et le passage souterrain. Il ne prend même pas le temps de regarder les affiches qui pourtant lui promettent une vie belle : « Act business, think human » lui dit une école supérieure de commerce, "Impossible is Nothing" lui glisse Adidas, "Connecting people" lui promet Nokia, "Nespresso, What else ?" pourrait-il lire au cas où l’envie lui prendrait de boire un café…

Sur le quai, le couple poursuit sa conversation sur un ton plus calme. Le train a une demi-heure de retard.

« Dis, demande le jeune homme d’un air abattu, tu me donneras des news, deux semaines sans toi, ça va être hardos…

‑ T’en fais pas, lui répond sa copine, dès que je me pose chez ma mamie, je lui colle dos besos pour être polie, puis je lui pique son ordinosaure, et dès que suis loguée, on se linke… Ok ? Dommage quand même que tu n’aies pas voulu venir avec moi…

‑ Elle me séca le yeucou la vieille ! Et puis, over-booké je suis… J’ai une bad check-list aujourd’hui… Faut que je me connecte à l’emploi-store de Pôle-Emploi, il y a un serious-game qui peut m’aider à dégotter un job. Puis je vais déboguer l’i-pad de Robert qui est un phonard pas possible… »

Le train arrive. Elle monte. Lui reste sur le quai. La portière se ferme. Il lui crie :

« Tu me kiffe ?

‑ Ouaissss, grave ! Ciaoooo !»

Oui, bien sûr, j’ai un peu triché. Juste un peu. Cette scène est imaginaire, mais tous les propos et les situations sont réels. Ils étaient en ordre épars et je n’ai fait que les réunir pour construire cette petite histoire qui, si elle n’est pas vraie, est toutefois vraisemblable.

Elle démontre que le combat engagé par René Etiemble il y a plus de cinquante ans pour contrer l’invasion de ce qu’il avait nommé le franglais est aujourd’hui un combat perdu. Mais, plus positivement, on peut considérer qu’un autre combat est en train d’être gagné. Un square discret dans un quartier périphérique de la ville et une stèle de granit, inaugurée à l’époque par André Labarrère et François Bayrou, rappellent aux Palois la mémoire de Ludwik Zamenhof. Ce ne sera peut-être pas l’espéranto dont il était le créateur, mais son rêve d’une langue internationale est en train de se réaliser. En empruntant largement à toutes les langues – l’anglais principalement il est vrai – se construit un parler nouveau qui ne demande qu’à se moquer des frontières.

A propos de frontières précisément, la réaction de certains peuples européens, dont le nôtre, conduit à souhaiter qu’un mot anglais peu usité n’émerge. En effet, les Anglais ont une formule plaisante pour désigner ce genre de situation. Ils parlent d’une position NIMBY. NIMBY c’est l’acronyme de l’expression : « Not In My Back Yard », autrement dit « pas dans mon arrière-cour », ou pour le traduire plus crument « pas de ça chez moi ».

En l’occurrence, les Français seraient solidaires des réfugiés lorsqu’ils fuient leur pays, mais hostiles aux migrants quand il s’agit de les accueillir chez nous.

Ne cherchez pas la logique. Il n’y en a pas !

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article