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Des humeurs et des jours

Anachroniques contemporaines

Le temps des mâles entendus

Se confronter aux publications de l’Observatoire des inégalités est un rude exercice. La lecture n’en est pas difficile, mais nous nous trouvons à chaque page en face de réalités que l’on pressentait pour certaines, que l’on ignorait pour d’autres. On ressort de cette lecture tiraillé entre colère et fatalisme. Derrière chaque chiffre se dissimulent des frustrations, des souffrances, des injustices qui sont autant d’histoires individuelles, de détresses humaines. Colère teintée de fatalisme parfois. C’est que le paysage est vaste et touffu : Où en est-on des inégalités en France ? Quels sont les domaines où elles augmentent et ceux où elles diminuent ? Des revenus à l’école, en passant par la santé, le logement, l’emploi, les territoires ou les catégories sociales, L’Observatoire fait le point de la situation avec les tous derniers chiffres. Les chantiers sont immenses. Bien sûr, le sujet le plus brûlant du moment, celui des inégalités entre les femmes et les hommes, est amplement abordé. 
Les données sont consternantes. Il n’y aurait rien d’autre à dire. Rien à dire peut-être, mais rien à ressentir certainement pas. Aussi, je ne résiste pas à l’envie d’ajouter mon grain de fleur de sel, d’apporter ma goutte de miel ou de fiel dans ce déversoir de bonnes et mauvaises consciences.  
Car ce débat me passionne et m’inquiète. Il me passionne parce que la révolte des femmes est une révolution. Une révolution attendue, inéluctable qui plus est. On ne lutte pas contre une vague profonde. Mais les médias sentant le bon coup se hâtent de faire de cette vague un tsunami. Même si l’excès est le corollaire inévitable de toute révolution, il y a trop de bruit et de fureur désormais. J’en arrive à hésiter à m’affirmer féministe.
Tout semble possible, jusqu’à imaginer Roxane dénonçant sur les réseaux sociaux ce vieux porc (un certain Cyrano) qui, la nuit venue, la harcèle et l’empêche de dormir en déclamant sous son balcon des propos ouvertement libidineux : « C’est chose suprême d'aimer sans qu'on vous aime en retour. D'aimer toujours, quand même, sans cesse. D'une amour incertaine. »
Tout semble possible jusqu’à se voir suspecté dans ses motivations parce qu’homme : «  Un homme sera d’autant plus porté à se dire féministe, qu’il y verra une possibilité d’en tirer des avantages. » affirme Alixen Gray. Et elle dresse la liste des falsificateurs. Alors qui suis-je à ses yeux ? Suis-je cet « opportuniste » qui se déclare féministe parce que c’est à la mode ? Suis-je ce « poseur »  dont le féminisme de façade n’a pas d’impact dans sa vie ? Suis-je cet « initié », qui se dit différent des autres hommes, car ce sont eux – et jamais lui – qui sont coupables de misogynie et responsables du patriarcat. Suis-je enfin cet « humaniste » qui clame souffrir de ce système injuste au même titre que les femmes, car l’injustice et l'inégalité le révulsent par principe ? Cette vision binaire est un piège redoutable.  
Est-ce une erreur de considérer que l’espèce humaine ne se compose pas de mâles et de femelles obéissant à des pulsions antagoniques, condamnés à ne jamais vivre en paix, mais d’hommes et de femmes prisonniers du même destin ?
« On ne naît pas homme, on le devient.» On peut sans sourciller élargir le propos que Simone de Beauvoir réservait aux femmes à l’autre moitié du genre humain tant l’imprégnation culturelle qui nous fait femme d’un côté ou homme de l’autre est puissante. Enkystée au plus profond de chacun d’entre nous.
Si ce constat est le bon, une évidence s’impose : si les femmes ont raison de se révolter - sans leur révolte rien ne bougera -, c’est donc chez les hommes – au cœur de chaque homme – que doivent se produire les changements : changement de regard, d’attitude, de comportement qui bouleverseront les certitudes et les habitudes. Françoise Héritier ne disait pas autre chose. Au risque d’en heurter beaucoup, elle pensait qu’il ne revenait pas qu’aux femmes de changer les représentations et les injonctions dont elles sont les victimes, mais que femmes et hommes devaient ensemble transformer la conception masculine du monde, voire qu’il fallait convaincre les hommes de s’attaquer par eux-mêmes aux systèmes dont ils sont tout à la fois les bénéficiaires et les victimes.
Ce que Marx (Groucho, pas Karl) résumait à sa manière : « Les hommes sont des femmes comme les autres. »
 

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G
Et comme dit Philippe Sollers : "Tous les hommes, femmes comprises, naissent prisonniers et inégaux..."
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G
Ah ! Cette fois-ci, j'arrive à lire ton commentaire !