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Des humeurs et des jours

Anachroniques contemporaines

Les rêves enfouis de J.

Il ne me serait jamais venu à l’idée d’imaginer J. dans un autre paysage.
Bien sûr, de temps en temps, il faisait une brève escapade en ville, pour traiter quelques affaires et ramasser les loyers des deux appartements qu’un oncle lui avait légués. Peut-être en profitait-il pour aller voir une des putes du café de la rue Carnot où l’on jouait aux quilles, mais rien en lui, absolument rien ne laissait transparaitre cette crispation que l’on voit chez les hommes qui ruminent en eux le manque de femmes. Il se pourrait bien qu’il soit encore puceau.
Il ne s’absentait jamais très longtemps, il revenait vite, là où il semblait avoir toujours été, dans ce village des coteaux de la Ténarèze.
Cette campagne, il la connaissait toute entière. Il en identifiait les odeurs, les bruits, les couleurs… Rien ne lui échappait. Même la terre, sa texture et sa manière unique d’absorber les pas, lui était familière.
Lorsque je fis sa connaissance – c’était il  y a dix ans – je n’avais pas su lui donner un âge. Je voyais bien, au jais de ses cheveux, à son front lisse, qu’il était encore jeune, mais il se dégageait de lui une impression d’ancienneté, comme si sa vie avait pris son élan au siècle dernier. Depuis, nous étions devenus proches – je n’ose dire amis, tant ce terme lui était étranger – et j’avais presque tout appris de son histoire.
Il disait qu’il gardait au fond de lui le goût adolescent pour les étourdissements, les fièvres, les rêveries interminables, les chimères, les folies ; qu’il sentait encore une braise brûlante chauffer son âme et son corps et qu’à défaut d’un incendie, une simple flambée le rendrait heureux.
 

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