La nuit de Maud

Maud crut qu’un poignard lui avait troué la poitrine quand elle apprit que son homme la trompait. Ce fut une douleur brutale, intense, qui la plongea dans un état de sidération inconnu. Rien, rien, jusqu’à cet instant ne l’avait alertée. 
En une nuit – la nuit qui suivit cette révélation –, Maud vieillit de dix ans. Elle ne dormit pas, ruminant continûment la même rancœur, errant au bord d’un abîme sombre, emplie de peur et de tourments. Au matin, dans la salle de bains, elle étouffa un cri qui semblait un râle : ses cheveux étaient devenus blancs, un blanc sale ; des rides profondes lui striaient le front ; ses yeux étaient lourds, ses paupières fripées, sa bouche tremblait et tout son visage avait pris une teinte grisâtre.
Son homme revint le soir même. Penaud. Il la supplia de lui pardonner. Maud le fixa longuement, sans rien dire. Un calme étrange l’habitait maintenant. Elle regarda encore celui qui, hier encore, était sa vie, et elle le trouva laid.