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Des humeurs et des jours

Anachroniques contemporaines

L'étrange disparition du petit Arthur Rainbow

Arthur a cinq ans, mais il ne comprend pas ce que cela signifie. Aux premiers jours d’automne, sa mère l’a habillé avec des vêtements tout neufs, lui a demandé de finir un petit déjeuner beaucoup plus copieux que d’habitude, lui a dit vingt fois de se dépêcher, qu’il ne fallait surtout pas être en retard, l’a pris par la main, l’a fait marcher vite dans la rue, en faisant très, très, très attention aux voitures, aux vélos et à tous les autres marcheurs, lui a répété de ne pas répondre aux personnes qu’il ne connaît pas – et que le plus simple est de ne jamais répondre à personne… Au bout d’un très long voyage dans cette ville qui bourdonne, la mère d’Arthur s’est brusquement arrêtée. Elle a serré la main d’Arthur beaucoup plus fort. Elle a dit : « C’est là ! »
Dans la cour de l’école, Arthur cherche sa mère des yeux, mais ne la voit pas. Il sait bien qu’elle est partie, puisqu’elle le lui a dit : « Je dois partir maintenant, joue avec les autres enfants… » ; il sait bien qu’elle reviendra le chercher, puisqu’elle le lui a dit aussi : « Je serai là, à la sortie de l’école, en on rentrera ensemble à la maison… » Arthur sait tout ça, mais il n’y croit pas.
Assis tout au fond de la classe, Arthur n’écoute pas, il regarde les couleurs des murs, des fenêtres, des portes, et chacune de ces couleurs semble lui tenir compagnie…
Le maître l’interpelle : « Arthur, tu es très distrait, tes camarades et moi, on aimerait savoir qui tu es, d’où tu viens et ce que tu aimes… » L’enfant s’enferme dans un long silence, puis se lève enfin et dit d’une voix timide : « Je suis né un jour bleu… » Un brouhaha considérable suit cette réponse inattendue. Les enfants rient, crient et l’instituteur, frappant de sa règle le bureau, a bien du mal à ramener le calme.
A la récréation, Arthur reste seul, assis dans un coin du préau, ignoré des autres… Eclate alors, sans prévenir, un gros orage de fin d’été qui précipite tous les enfants à l’intérieur de l’école.
Arthur, toujours silencieux, a repris sa place. Il garde les yeux fixés à la fenêtre. Quelque chose dehors le captive, mais nul n’y prend garde.
Lorsque la cloche sonne la fin des cours, les écoliers ramassent leur cartable à la hâte et courent se coller au grand portail de fer où les parents patientent. La mère d’Arthur est là, elle aussi, mais son inquiétude grandit au fur et à mesure que se vide la cour. 
Arthur a trouvé derrière le préau un trou dans la clôture. Il court maintenant vers l’horizon où l’appelle le grand arc-en-ciel.
Arthur est un enfant synesthésique et sa mère ne le sait pas.
 

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