L'abreuvoir

Vladimir aime à rêver sa vie et se pique d’écriture…
Il se désespère de la médiocrité et de la grisaille du monde qui l’entoure… 
Il me dit : « Il n’y a de place que pour l’humour désenchanté dans cette foutue période d’ordre moral, de pudibonderie…Voilà venue la gloire des inhibés, des gercés du cul, des couilles molles et des ennemis de la gauloiserie… C’est le triomphe de la connerie des grands sentiments… Comment décrire cette gadouille ?... Pour trouver les mots, je pars titubant sans but, comme un ivrogne dans la brousse, et je te le dis, mon ami, que je ne reviens pas bredouille de mes errements…
Aujourd’hui, je sais !
Un cabaretier ivrogne et poète, voilà le destin que je veux avoir… J’ai tant de dons pour ça… Enfant, je suivais des yeux le voile violet que faisait sur le bord du verre, le vin dur de la vigne de mon grand-père… Je suis imprégné de cette image et, il ne m’a pas fallu beaucoup avancer en âge pour trouver du bonheur à boire cette piquette et à me dire que le vin – peu importe qu’il soit bon ou mauvais – incline à la franchise des émotions esthétiques… Un peu d’ivresse, juste un peu, efface les réticences inutiles, ouvre les yeux, l’âme, le cœur… C’est le moment d’écrire, les mots viennent, éclosent, alors que je ne les attendais pas… Voilà l’ami. »