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Des humeurs et des jours

Anachroniques contemporaines

La leçon

 

Myrtille pose sur mon bureau la feuille que je lui ai donnée à lire... Elle fait la moue, hésite un moment et se lance : "C'est intéressant dit-elle... (à mon tour de me renfrogner) mais sincèrement je n'aime pas beaucoup ton texte ... Trop de choses me gênent... (j'attends la suite, la tête bien calée entre les mains dans une attitude feinte de profonde attention)... Ton écriture me gêne... Elle hésite entre narration et évocation... Tu sembles vouloir dire tant de choses que tu dis trop de choses... (comme je ne me satisfais pas d'une remarque aussi énigmatique, je lui demande de préciser)...

Myrtille reprend la feuille, s'éloigne de quelques pas, se cale près de la fenêtre qui donne sur le jardin et se met à lire mon texte à voix haute. La lecture est édifiante : mon texte est évidemment médiocre. Myrtille revient vers moi, s'amuse à se donner des airs de vieille institutrice et me dit : " Vois-tu Gérard (je m'étonne, elle dit si peu souvent mon prénom), Il faut savoir se garder des âmes et des plumes bavardes... Oblige-toi à faire un usage parcimonieux des mots ajusteurs qui rendent ta phrase adipeuse. Par exemple, dans cette phrase : " cet homme est comme un chien ", l'adverbe comme est un piège, il fait une expression molle. Tu aurais écrit : "cet homme est un chien", tu aurais gagné en énergie. Va plus loin encore et écris : "c'est un chien". Là, il y a du nerf, et si tu te contentes de dire "le chien !", tu es dans la vérité."

La leçon : Il faut amaigrir, amaigrir, amaigrir la phrase, la curer encore et encore pour n'en laisser que l'os. La perfection est à ce prix. Elle n'est pas lorsqu'il n'y a plus rien à ajouter, mais quand il ne reste plus rien à enlever.

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