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Des humeurs et des jours

Anachroniques contemporaines

Le mur (1)

Dans le bac de disques d’un bouquiniste, sur la place Grammont, je tombe sur un double album qui m’évoque aussitôt un très lointain souvenir de jeunesse.
C’était au temps de Charles de Gaulle, d’Anquetil et de Poulidor … C’était – et c’est vous dire s’il y a très longtemps ! – du temps où la Section Paloise était championne de France … Bref, c’était au beau milieu des années 60.
J’étais lycéen dans un établissement qui ne se souvient plus du tout de moi, mais dont, moi, je me rappelle parfaitement : c’était un austère lycée de garçons, tout en haut de la côte du Mas, à Aire-sur-Adour. 
Comme la majorité des lycéens de cette époque, j’étais interne. Et l’internat, pour ceux qui n’ont pas connu ce type de situation, produit un phénomène quasiment surnaturel : l’internat étire les heures. A l’intérieur d’un internat le temps y est interminable, les journées sont terriblement prévisibles, réglées, normées, les murs uniformément gris, comme nos blouses …
Il faut beaucoup d’imagination pour surnager dans ce qui pourrait être un océan d’ennui. 
Heureusement, l’imagination, ce n’est pas ce qui manque lorsqu’on a entre quatorze et seize ans. 
Il y a les loisirs autorisés, voire encouragés : la lecture, le sport … 
Il y a les loisirs tolérés : la belote, le transistor que l’on écoute sous le seul arbre de la cour … 
Il y a aussi les loisirs dissimulés : la branlette, la cigarette, les orgies de pâté qu’on a rapporté de la maison … 
Il enfin les loisirs réprouvés, voire totalement interdits au premier rang desquels figure l’exercice du « mur », autrement dit : la fugue, la cavale, la bordée, l’équipée. Tromper la vigilance des surveillants et partir en errance dans la ville, voilà le but ! Parce qu’ensuite, que faire de ce petit morceau de liberté que l’on vient de s’accorder ? Devant les copains, avant de tenter l’échappée, on flambe et on s’invente des rendez-vous avec des filles belles et compréhensives … En réalité, de filles, il n’y en a pas. Elles sont encore bien plus coincées que nous dans leur internat et ne s’en échappent jamais … On se contente de trainer le long de l’Adour, et d’aller boire une bière au bistrot du Commerce où la serveuse s’appelle Claudine. Elle est jolie et sourit tout le temps. Elle ressemble à France Gall (celle de « Poupée de cire, poupée de son »). On se contente de lui dire « Merci » lorsqu’elle nous sert, et « A bientôt » lorsqu’on repart … De retour au lycée, on s’assure que les pions ne se sont rendu compte de rien, puis on raconte aux autres qui sont restés dans l’établissement toutes les aventures qu’on n’a pas vécues. Et ils font semblant de nous croire.
Mais dans cette longue bataille contre l’ennui de l’internat, il y a parfois des moments de grâce, ou tout au moins de belles parenthèses. 
 

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