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Des humeurs et des jours

Anachroniques contemporaines

La querencia de Myrtille

 

Bloquée dans son deux pièces-cuisine, Myrtille éprouve un soulagement inattendu. Le confinement a étouffé en elle un peu de cette méfiance instinctive devant l’inattendu qui l’habitait avant. Elle avait décidé, dès le discours présidentiel et la guerre déclarée au virus envahisseur, de se comporter en petit soldat obéissant et fataliste… Suivre les consignes était devenu son minuscule et opiniâtre combat quotidien…
Les jours passant, elle s’était même surprise à goûter la joie âpre que procure un long isolement. Projetée, d’un coup, hors du commerce des hommes, elle s’inventait continûment de nouvelles règles ; une vie insoupçonnée se construisait subrepticement dont elle se demandait parfois si elle n’allait pas lui manquer plus tard… Ses repères en étaient tout chamboulés : elle considérait maintenant que la paresse était une vérité effective de l’homme et, à longueur de lassitude, elle dressait un éloge convaincant de l’oisiveté. 
Au bout de deux semaines, une fièvre obsidionale la gagna. Ah ! La si fameuse « distanciation sociale » avait fait des siennes ; c’était devenu un réflexe vital, presque animal… Elle se gardait des autres. Elle retrouvait sans le savoir l’instinct primitif du taureau qui, déboulant dans l’arène, perçoit tout aussitôt la brûlure du soleil violent et le murmure lourd de menace de la foule qui l’entoure. Tout ça est le signal d’un péril imminent. Alors, le taureau se plante, immobile, tête dressée, dans un endroit de l’arène et il trace mentalement un cercle de sécurité autour de lui. Frontière invisible mais bien réelle. Quiconque s’avise de la franchir a droit à une charge furieuse. C’est la « querencia ». Quatre murs ceignent les quarante-cinq m² du deux pièces-cuisine, voilà la « querencia » de Myrtille.
 

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