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Des humeurs et des jours

Anachroniques contemporaines

Wolf

 

Le spectre de l’animal à dents jaunes de La folle allure de Christian Bobin (cf. L’art du dire) m’a remis en mémoire un spectacle de loup.
J’étais seul à Paris ce jour-là. Mes bureaux étaient proches de l’Opéra. Par curiosité, et par désœuvrement, en sortant du travail je vais y faire un tour et je tombe sur une affiche qui indique que des places à tarif réduit sont disponibles pour le spectacle du soir. Le titre Wolf ne me dit rien, mais les photos me rappellent confusément un ballet contemporain diffusé sur la chaine ARTE. Je décide d’acheter deux places et j’invite Julia à venir me rejoindre.

Premier choc : l’entrée dans la salle de l’opéra – c’est intimidant comme le sont les premières fois lorsqu’on découvre en réel ce que l’on n’a vu qu’en image. Je garde longuement les yeux fixés sur le plafond peint par Chagall…

Deuxième choc : les places sont au deuxième rang, au centre, juste devant la scène. Parfait pour suivre le spectacle… Julia fait un « Wouahh ! » d’étonnement. Par fanfaronnade, je me tiens debout face au public et j’envoie à la volée des signes de complicité à tous ces inconnus. Julia, gênée, dit « Arrête, t’es dingo ! »

Troisième choc : le ballet. Etourdissant de couleur, d’agitation, de provocation, de mouvement… Il y a des danseurs partout, et des chiens aussi.

Quatrième choc : la danseuse. Je le saurai plus tard, elle s’appelle Raphaëlle Delaunay. C’est une métisse aux yeux très noirs et je suis subjugué par ses jambes musclées… elles sont si belles et son corps est si souple. Elle dissimule dans son maillot un petit chien qui fait croire qu’elle est enceinte.

Cinquième choc : le bref moment de connivence. A la fin du ballet, je me lève et j’applaudis si fort et je dis tellement de bravos que Raphaëlle m’entend, me repère, me fixe droit dans les yeux, me fait un petit geste de la main et m’adresse un très beau sourire… Julia me dit, étonnée : « Toi, tu es un coquin, tu t’es fait une amoureuse… » Je lui réponds : « Ça tombe bien, parce que, pendant une heure, j’ai été éternellement amoureux d’elle. »

C’était à l’Opéra Garnier en mars 2005, le ballet Wolf d’Alain Platel.
Extrait de la critique du Monde :
« Alain Platel n'a pas froid aux yeux. Sa témérité, blindée par une sincérité palpable, l'emporte vers des cimes orageuses dont il n'avait pas prévu l'électricité. Multiethnique comme toutes ses pièces, découvertes d'abord au Théâtre de la Bastille, en 1994, puis vues au Théâtre de la Ville, son Wolf (loup en allemand et en anglais, mais aussi première syllabe du prénom de Mozart) hurle, sans craindre les couacs et les cris hystériques, son goût violent des autres dans leur étrangeté la plus absolue. Seule la musique de Mozart nappe d'harmonie ce maelström de corps, de couleurs, de rythmes qui se déversent à flux tendu dans un décor de centre commercial désaffecté. »
 

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