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Des humeurs et des jours

Anachroniques contemporaines

Le maquignon

 

Place de la Hourquie à Morlaàs. Tous les vendredis  c’est marché aux bestiaux. Yan, même s’il n’a ni bœuf, ni veau, ni vache, ni cochon, ni agneau à vendre (ce qui arrive rarement) y va quand même.  C’est que le rendez-vous avec les copains, à la fin du marché, chez Glisia, le café de la rue du Bourg neuf, lui est nécessaire. Là, d’omelettes aux cèpes, en pintons de rouge et parties de belote, l’après-midi passe vite et la nuit souvent le surprend. La semaine serait perdue sans ça. 
De la fréquentation continue des maquignons du foirail qui sont tous hommes redoutables dans le marchandage, Yan en a acquis une science consommée de la négociation. Pour ne jamais finir perdant, il dit appliquer méticuleusement la méthode suivante : « Je demande toujours plus que ça ne vaut : mon agneau vaut bien 10 francs de plus que celui des autres. Je prends bien garde de ne jamais acquiescer le premier ; il faut savoir patienter. Je ne succombe pas à la tentation de sacrifier les prix : je tiens ferme. J’affirme d’entrée de jeu que mon option est négociable ; l’autre ne s’échappe pas, il sait que la partie n’est pas finie. Si une concession est nécessaire, je ne l’accorde qu’à contrecœur, sans me presser ; je sais très bien grimacer dans ces circonstances. Je ne modifie jamais mon prix sans modifier les conditions du marché. J’examine la phase transactionnelle juste, tout juste, avant l’impasse. Enfin ; je ne me montre jamais inutilement agressif et je garde, en tout état de cause, un inaltérable sens de l’humour. Au fond, dans ces histoires, au final, ce n’est pas le prix qui est important pour moi, c’est l’instant de vie et l’émotion que ça me procure… Voilà pourquoi, je fais toujours de très bons marchés et que je vends bien mes animaux. » Au foirail de la Hourquie, Yan est heureux. Il rentre très tard le soir à la ferme où Anna l’attend sans impatience.
 

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