8 Avril 2020
Arthur se dit in petto : « Les murs de ma cellule de confinement presque volontaire sont mon unique paysage. Ils perdent au fil des jours (et des nuits surtout) leur vertu mécanique d’opacité pour présenter à mon esprit en jachère un miroir déformant dans lequel il s’égare… »
Et les reflets sont nombreux. Très banalement, ils réfléchissent et font réfléchir…
Tiens, je songe à tous ces camarades de militance que je ne vois plus et qui ne m’appellent plus guère. Nous nous considérions volontiers comme d’aimables citoyens (Ah ! ce ne sont que de braves gens ! clamait Mélenchon en parlant des grévistes), convaincus de l’ignominie de nos dirigeants : « Ils nous mentent, nous mènent en bateau, nous enfument, nous trahissent, et surtout, surtout, surtout, ils nous méprisent », voilà le refrain habituel que ressassait Robert à chaque fin de réunion. Je le croyais et je l’applaudissais… Eh bien, maintenant, je doute et toutes ces certitudes me lassent.
Avec ce satané mur-miroir, voici venu le temps des grandes révisions… Boudiou ! Elles arrivent en nombre. Gros, gros effort de loyauté en perspective.
Les remords ? Ils ne sont qu’une manœuvre pour berner mes opinions. Les regrets ? Je les vois débarrassés de toute sincérité ; misérables légèretés de conscience bien à l’abri de la faute commise jamais expiée. Les résolutions ? De simples promesses faites à moi-même devenues miroir aux alouettes. La repentance ? Une soumission de circonstance à un ordre moral qui n’est que l’écho d’un catéchisme très ancien… Mais tout ça, mon Arthur, est vain !
Baudelaire voulait ajouter deux nouveaux droits aux droits de l’homme : le droit de se contredire et le droit de s’en aller. Ils me seraient bien utiles aujourd’hui que me voilà doublement confiné : et dans mes murs et dans ma tête.
Comment se fait-il que cette histoire toute fraîche et récente m’apparaisse comme une rengaine d’antan ? Comment se fait-il que le « grand dégagement » m’a fait oublier si vite que le monde politique ancien s’est désarticulé sous mes yeux ? Comment se fait-il que la jeunesse et ses enthousiasme n’est plus qu’une maigre vertu ? Que l’inexpérience n’est plus une promesse ? Que l’audace est un danger pour tous ? Que la variété de genre, d’origine, de destin de ceux qui me représentent fait qu’ils me ressemblent si peu ? Que toutes ses injonctions à changer m’inquiètent, et que, par un étrange paradoxe, je trouve tant de confort à me réfugier dans un inavouable statu quo.
Les possibles aventures de demain me sont des fantômes désespérants. Avec ce fichu confinement, moi Arthur, me voilà devenu casanier. Et j’aime ça.