La Musique est Océan

(Éditorial de la lettre n° 41 de Mélomania)

NOUS AVONS LE TEMPS…

En ces temps de confinement, nous pouvons nous payer sans compter de sublimes solitudes, des heures et des heures d’ennui, de grands esseulements meublés d’infinies paresses et de très avouables faiblesses… Eh oui ! Nous vivons ça… Ce sont des moments rares. Très rares. En sommes-nous pleinement conscients ? Une image s’impose à moi : celle d’un homme assis, jambes ballantes, au bord d’une corniche dominant l’océan (tiens, la corniche basque par hasard !) Devant cette immensité, il ne sait que faire : doit-il scruter l’horizon en quête d’une imaginaire aventure ? Doit-il s’effrayer de la puissance et de la fureur des vagues qui explosent contre les récifs ? Doit-il se laisser aller au vertige de l’infini des abîmes invisible ? Notre homme ne doit surtout pas choisir. Il doit tout faire et vivre pleinement ce qui se présente à lui. Alors, pour clore la métaphore, chers Mélomaniaques, la Musique, c’est notre océan à nous. Avec elle, explorons des horizons qui nous sont inconnus, laissons-nous impressionner par les éclats d’un orchestre, les splendeurs d’une voix, puis gardons cette très précieuse faculté d’émotion qui nous permet d’accueillir des mélodies si belles qu’on dirait des prières… Voilà tout ce que nous pouvons faire avec la Musique. Nous en avons le temps.
Musicalement vôtre,
La présidente, Bernadette Abid

PS : Je viens d’écouter Prélude de Léo Ferré. J’y ai trouvé ceci  qui m’a bouleversé : « Mozart est mort seul, accompagné à la fosse commune par un chien et des fantômes... On sait que Renoir avait les doigts crochus de rhumatismes, que Beethoven était sourd, que Ravel avait une tumeur qui lui suça d'un coup toute sa musique, qu'il fallut quêter pour enterrer Bela Bartok, on sait que Rutebeuf avait faim, que Villon volait pour manger, que Baudelaire eut de lancinants soucis de blanchisseuse: cela ne représente rien qui ne soit qu'anecdotique. La lumière ne se fait que sur les tombes. »