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Des humeurs et des jours

Anachroniques contemporaines

Les dits de Félicia

 

Je n’ai jamais aimé mon prénom, je le trouve trop ancien et je crains que mes parents ne me l’aient donné sans autre raison qu’une vague coutume familiale qui fait basculer les prénoms des filles au-dessus des générations et des cousinades. On alterne : tantôt Maria, tantôt, Josette, tantôt Félicia, ou d’autres… pour moi, ça été Félicia. Félicia était le prénom d’une arrière grand-tante dont on ne sait rien de son visage (aucune photo) et plus grand-chose de sa vie en dehors d’un beau mariage lointain qui la fit veuve très vite et la laissa exilée et sans enfants. On suppose qu’elle mourut en Argentine, peut-être ruinée et solitaire. Tout ça est un peu léger comme racine pour le prénom que je dois me coltiner toute la vie. Son étymologie : felix, felicitas « heureuse, protégée par la chance » aurait pu être une consolation. Mais…
A Aragon qui chipote : « Il n’y a pas d’amour heureux », je réponds avec Marina Tsvetaieva : « L’amour est un grand malheur ». Car ce fut ainsi pour moi.
Mes attachements n’ont été que bêtes amourettes et le seul garçon qui m’ait un jour tourné l’âme, la camarde – abjecte sorcière trop pressée – me l’a ôté très vite dans un grand fracas de tôles brisées alors que nous n’en étions encore qu’au stade des émerveillements. Depuis, rien.
Je dois te dire que je n’ai pas été malheureuse durant mes temps d’esclavage (l’école, le boulot…) ; j’y ai même éprouvé quelques jolies satisfactions. Mais aujourd’hui le sentiment d’une urgence à vivre me gagne. Il commence à se faire impérieux. Je me surprends à ne plus compter les jours écoulés – fi des calendriers et des anniversaires ! – mais à escompter un simple demain où je m’invente chaque matin nouveau d’alertes libertés. Voilà ! Comme on renonce à un héritage, j’ai soldé d’un coup tout mon passé, tenant les détails de mon histoire pour épisodes anecdotiques. Je considère désormais mon avenir avec la même désinvolture, me réfugiant dans l’idée que ma vie est enfin cette suite ininterrompue d’instants, ce présent perpétuel qui se poursuit. Jusqu’au petit couic final.
 

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