Lettre à mes amis protestataires

Le savions-nous ?
Nous étions embarqués sur les jours les plus légers du siècle  – ou presque… Vous pouviez, en toute médiocre conscience, défiler, pester, râler, tonitruer, exiger, dénoncer et, si vous le vouliez, casser, piller, brûler… et moi, dans mon coin, je marmonnais de minuscules désapprobations…
Et puis, dimanche qui vient et celui qui suit deux semaines après, pendant que serez, vous les nantis protestataires, en montagne, dans les bois, à la plage à prendre l’air, trouver des cèpes ou goûter les premières douceurs printanières, moi, le républicain assumé, l’observance du rituel citoyen sera mon programme dominical…
Le savions-nous ?
Moi, avec ma passivité, vous, avec votre aveuglement et vos haines recuites, nous avons engendrés ensemble des monstres étonnamment féconds.